La résilience du capitaine Raoult !

TLDR;

Après le capitaine Iglo, voici le capitaine Raoult !

Pour certains, suivre une démarche scientifique est inutile, pour d’autres, elle le devient en cas de crise ou d’urgence. Comme une ode à échanger un esprit critique par une résilience corrompue, la capacité de résister précédée par une injonction à espérer ; un sauveur, une réponse, un traitement, un échappatoire à l’incertitude.

Imagine t-on un capitaine, lors de la bataille du chemin des dames, appeler à la résilience de ses troupes après un énième massacre ? On l’imagine bien en fait, certains l’ont chanté Chanson de Craonne.

Néanmoins, pour ne pas être uniquement un bonimenteur, appeler à la résilience n’est pas suffisant. Il faut organiser la réponse, y compris en laissant localement des réponses émerger.

En Martinique, quelle est donc cette résilience ?

La résilience au Corona

Démographiquement, la population est un peu plus vieille et avec plus de cas d’obésité, 25% (étude Kannari de 2014) vs 16% en France, donc un peu plus à risque.

En milieu ouvert, avec peu (ou pas) de transport en commun, le facteur de contamination est probablement plus faible.

Rien de particulier par rapport à la France hexagonale, hormis qu’en raison de notre situation géographique, nous serons probablement isolés (ou autonomes), c’est à dire sans support possible comme les “déplacements” de malades entre régions et/ou pays.

On peut également se poser la question de la répartition des stocks de masques. Quel poids pour nos territoires s’il s’agit de faire des commandes directes ? Au vu des difficultés d’approvisionnement, les masques arrivant en France seront-ils réellement envoyés vers les DOMs et sous quels délais ?

Même constat pour l’ensemble des équipements médicaux nécessaires : en cas de tension sur le marché, quelle place pour les territoires d’Outre-mer ?

Qu’est-ce être résilient ?

  • prévoir l’augmentation de la durée d’import des stocks de xx% (ou l’impact d’une rupture pendant xx semaines) et donc se ré-approvisionner largement en amont lorsque c’est faisable
  • augmenter le nombre de fournisseurs potentiels
  • anticiper les pannes en augmentant la maintenance préventive
  • réparer autant que possible le matériel, les salles et bâtiments en attente de réparation
  • prévoir des solutions pour permettre aux soignants (et aux différents personnel de supports) d’être aussi opérationnels que possible dans la durée (donc les mettre dans des situations aussi confortables que possible) : garde d’enfants et des personnes dépendantes, préparation de repas et des tâches ménagères, logements dédiés proches des hôpitaux, …

La résilience à la faim

Il n’y aura pas de pénurie alimentaire en France

Didier Guillaume, 8 avril 2020

La Martinique, est-ce la France ?

Si une production locale existe, formelle, informelle ou même naturelle, la filière locale reste peu structurée et probablement pas à même, immédiatement, de pouvoir assurer une auto-suffisance alimentaire temporaire.

Déjà, les produits importés (ultra) frais qui venaient par avion ne sont plus disponibles.

Un impact sur le fonctionnement “normal” de la chaîne logistique est très largement probable, on y est de toute façon confrontés régulièrement en cas de gréve d’un côté ou l’autre.

Qu’est-ce être résilient ?

  • anticiper l’impact d’une rupture et demander à chaque acteur de mettre en place des solutions de secours
  • aider l’ensemble de la filière locale à produire davantage et à valoriser sa production
  • aider à la formalisation de l’économie informelle (le vendeur de fruits et légumes ou d’œufs occasionnel)
  • définir le pourcentage d’auto-suffisance alimentaire local selon qu’il soit formel, informel et naturel
  • constituer un indicateur de stock alimentaire global et par acteur
  • inciter à la constitution d’un jardin adapté (à l’espace disponible, à la localisation, à la disponibilité de l’eau et aux goûts spécifiques de la famille)

La résilience à la soif

Si avoir de quoi manger est peut-être ce qui vient le plus rapidement à l’esprit, c’est l’eau qui nous est le plus indispensable.

Ne pas avoir d’eau en cas de sécheresse est un problème récurrent aux Antilles, en 2020. Mais ce problème devient d’autant plus critique lorsque le lavage des mains doit être régulier et lorsque le confinement nous interdit, à priori, d’aller prendre un bain de mer.

Qu’est-ce être résilient ?

  • prendre acte de l’incompétence (ou pire) des acteurs en place qui n’ont pu mettre en place les solutions permettant de garantir un accès sécurisé à une ressource vitale, les virer et prévoir une action en justice
  • mettre en place un opérateur public unique sur le territoire
  • prioriser les réparations du réseau en fonction de l’impact maximal
  • inciter très fortement à la constitution d’une réserve d’eau de pluie dans chaque habitation
  • inciter fortement à l’utilisation de cette réserve pour les WC ou le lave linge
  • passer à une facturation à l’usage (premier mètres carrés moins chers) et fonction de la disponibilité (prix variant en selon la disponibilité, nécessité d’avoir des compteurs intelligents qui peuvent être déployés progressivement en fonction de la consommation)

La résilience à l’emploi

Évidement, avoir de quoi boire, de quoi manger et de quoi se soigner sont les priorités.

Le tourisme en général va probablement avoir une année creuse. L’industrie de la croisière, qui était un secteur en croissance, va probablement souffrir encore plus que les autres.

L’industrie des services aux entreprises va également prendre cher, puisque chaque entreprise cherche et va continuer à chercher à couper ses coûts au maximum. Les consultants génériques et les agences marketing vont probablement souffrir plus que les autres. Les consultants opérationnels, et/ou ceux indispensables, vont tirer leur épingle du jeu s’ils arrivent à absorber les pertes liés à la défaillance des clients qui vont plonger.

Qu’est-ce être résilient ?

  • faire en sorte que l’ensemble des acteurs publics et parapublics payent l’ensemble des factures en retard immédiatement majorés des intérêts de retard et payent désormais systématiquement sans retard
  • anticiper qu’une partie (plus) importante de la population va s’expatrier faute de travail
  • acter que l’économie du tourisme n’est pas une économie miracle. Comme les autres, elle a des risques et des contraintes
  • faciliter l’émergence d’entreprises ou le passage d’entreprises en mode survie en réduisant les délais administratifs et en développement les services électroniques
  • réduire les particularités administratives (octroi de mer, taux de TVA différent, …)
  • anticiper la perte de recettes (taxe sur les carburants, octroi de mer, droits de mutation sur les ventes immobilières, …) et la hausse des aides nécessaires

Conclusion

Etre résilient, c’est évidemment souhaitable. Reste qu’en dépit d’être un territoire à risques multiples, on est loin d’être dans une situation idéale

Sans compte à rendre, à part agiter les bras, pas sur qu’on prenne le bon chemin.

Pas de guillotine, mais des machetes !