L'eau en Martinique, des discours humides au désert d'actions.

TLDR;

Au delà d’un certain nombre de faits et de généralités sur les réseaux d’eau en Martinique, quelques éléments nouveaux sont présentés.

Je remercie d’ailleurs la Cacem de m’avoir motivé à écrire cet article, puisque c’est en me refusant l’accès à des documents publics sous des prétextes fallacieux, qu’il m’a semblait y avoir matière à creuser.

Sera donc montré que les engagements de suivi pris, notamment par la CTM, la Cacem et la préfecture, lors de la signature du contrat de progrès n’ont pas été respectés (du tout), que des taxes indues sont perçues sur les abonnements et que les mécanismes d’incitation fiscale pour améliorer les réseaux n’ont pas été utilisés.

Au delà de ma posture évidemment critique (peut-être un peu facile depuis mon confortable fauteuil d’observateur), je tiens néanmoins à souligner que plusieurs personnes, anonymes ou de structures diverses, m’ont aidé ou m’ont répondu plutôt aimablement, parfois sans comprendre pourquoi je les interrogeais. Malheureusement, ces personnes ne sont pas représentatives des administrations (locales ou nationales) qui ne semblent trouver aucun intérêt à une ouverture des données, à faciliter la lecture de documents publics puis s’étonnent de l’abstention à chaque élection. The Gulf Stream

Programme et mise en bouche

L’article est dense, il est basé sur des recherches commencées il y a plus d’un an et demi. Pour l’anecdote, au départ, je souhaitais simplement comprendre à quel réservoir mon logement était relié.

Voici donc l’ensemble des points qui seront abordés. Un lien vers chaque partie permettra d’accéder directement au bon paragraphe.

  1. Le réseau Odyssi a un rendement objectivement mauvais et en dessous du seuil réglementaire
  2. Les durées d’amortissement choisies ne reflètent pas la réalité des contraintes réelles alors même que ces contraintes sont utilisées pour justifier les défaillances du réseau
  3. La connaissance du réseau Odyssi est objectivement mauvaise et en dessous du seuil réglementaire
  4. L’Office de l’Eau Martinique (ODE) n’a pas utilisé le mécanisme d’incitation à l’amélioration des réseaux en décidant de ne pas doubler la taxe de prélèvement alors même que ce mécanisme de doublement est parfaitement décrit
  5. L’octroi de mer régional est prélevé sur le montant des abonnements, contrairement au droit et à l’interprétation de la Chambre régionale des comptes
  6. Des acteurs couvrant l’ensemble des responsabilités en Martinique qui s’engagent … au moins pour la photo
  7. Les objectifs prévus dans le contrat de progrès ne sont absolument pas atteints, sont-ils suivis ?
  8. Surprise, l’ensemble du comité de suivi a été défaillant en n’ayant jamais respecté, en 4 ans sur les 5 du contrat, la méthodologie définie, signée par toutes les parties et rendue publique
  9. La Cacem et Odyssi, se présentant comme une équipe expérimentée, semblent incapables d’utiliser les outils juridiques pour faire respecter les contrats signés

Introduction

La Martinique a un problème avec l’eau. Le réseau est ancien, mal connu, peu performant et peu renouvelé, sujet à des casses nombreuses et à des coupures régulières. Rappelons qu’une coupure d’eau implique de ne plus avoir d’eau courante. Plus d’eau courante pour cuisiner et faire la vaisselle, mais également plus de sanitaires, de lave-vaisselle et de lave-linge. Au-delà de l’inconfort individuel d’une coupure d’eau en climat tropical, des infrastructures collectives sont également impactées. Cantines et établissements scolaires fermés. Lieux publics ou privés recevant du public dégradés ou fermés. Ces coupures ont donc également des impacts économiques indirects importants. En 2020, en Martinique, des quartiers ont été privés d’eau de façon ininterrompue pendant presque un mois.

Étrange pour une île ? Pas exactement. Une île est entourée d’eau salée, inutilisable sauf à la dessaler. Si des forages peuvent permettre de produire une ressource, avec une capacité maximale estimée en 2006 à 30 millions de m³/an, la majorité (94%) des ressources actuelles prélevées pour la production d’eau potable (40 millions de m³/an) provient d’une captation de surface.

Aussi, tant la ressource disponible en surface que la ressource souterraine déjà exploitée ou potentiellement exploitable peuvent répondre sur le papier aux besoins du territoire (autour de 25 millions de m³/an).

Sauf que plusieurs éléments se cumulent et mettent en tension une ressource habituellement suffisante.

1. Des réseaux vétustes

Premièrement, les réseaux sont anciens, les investissements sont limités et les indicateurs nationaux ne permettent pas de mettre en évidence la mauvaise qualité des réseaux.

Pour mesurer la qualité d’un réseau, un grand nombre d’indicateurs prédéfinis peuvent être utilisés. Par exemple, un indicateur (VP.020) présente le nombre d’incidents non programmés. Un taux pour 1000 habitants (P151.1) doit permettre de rendre cet indicateur comparable entre plusieurs réseaux de taille différente. Or cet indicateur n’est pas adapté pour présenter des incidents avec des criticités très différentes. Une coupure impactant 5 abonnés pendant 2 heures n’est pas comparable à 1 incident impactant 5000 abonnés pendant 48 heures consécutives. A titre d’exemple, observons l’indicateur P151.1 pour Odyssi sur l’année 2020 ou des dizaines de milliers d’abonnés ont été privés d’eau pendant plusieurs jours.

Indicateur P.151 vs VP.077 (log scale) Fig 1. : taux d’incident et taille de réseau. Les réseaux de la Martinique sont mis en avant. Bien que le réseau de la CACEM ne soit pas parmi les plus performants, celui-ci n’apparaît pas complètement en dehors du nuage de points.

Cette qualité du réseau est également mesurée par son rendement (P104.3), qui décrit la situation à un moment T. L’évolution de ce rendement au fil du temps permet de mettre en évidence l’efficacité des mesures engagées pour l’améliorer. D’une part le rendement est mauvais mais d’autre part, il ne semble pas y avoir une amélioration nette et durable de ce rendement. En 2020, M. Pacquit, Président d’Odyssi et Vice-Président de la Cacem indiquait lors d’une émission TV

quand on dit qu’Odyssi perd 2 piscines olympiques par jour, c’est une insulte. […] c’est plus qu’un mensonge, c’est une insulte”.

Pourtant, ces deux piscines sont une estimation très optimiste puisqu’en 2020 c’est entre 4 et 8 piscines olympiques qui sont perdues par jour. Rappelons qu’un rendement de 60% signifie que pour 10 litres mis en distribution, 4 sont perdus.

Si l’on observe l’évolution des rendements, à partir des chiffres fournis par Odyssi dans les différents rapports d’activité, ce rendement est sujet à des variations importantes années après années sans qu’une tendance haussière puisse être observée. Aussi, en 2020, les 4 communes constituant la Cacem ont un rendement inférieur à leur rendement lors de l’entrée dans Odyssi. 69% en 2006 pour Fort-de-France, contre 61% en 2020, 82% pour le Lamentin en 2015 contre 60% en 2020, et pas de variation significative (-1%) pour Saint-Joseph et Schoelcher.

Evolution du rendement du réseau Odyssi) Fig. 2 : Rendement des réseaux de la Cacem, période 2006 - 2020

Dans le rapport d’activité 2006, pour l’indicateur rendement, le commentaire suivant était indiqué

Evolution favorable prévisible grâce au nouveau dispositif permettant de réduire les fuites.

15 ans plus tard, l’évolution favorable prévue n’est pas au rendez-vous.

2. Les durées d’amortissement choisies sont inadaptées

Car l’amélioration du rendement d’un réseau n’est pas trivial, et ce d’autant plus aux Antilles où les risques naturels ont des impacts forts sur les matériels. Sismicité, ouragan, glissements de terrain sont des réalités qui fragilisent et dégradent de façon accélérée l’ensemble des infrastructures.

Néanmoins, si ces contraintes existent, qu’elles sont connues, qu’elles ne vont pas disparaître par magie, elles doivent accroître le niveau d’exigence pour permettre d’y faire face. Premièrement, comme le réseau est soumis à des contraintes particulières réelles, il est nécessaire de les renouveler plus souvent et donc de budgéter ce remplacement plus fréquent. On peut donc s’attendre à ce que les durées d’amortissements des ouvrages soient inférieures aux durées habituellement utilisées.

Budget 2019 Odyssi, durées amortissement Fig. 3 : Durées d’amortissement prévues (votée en 2005) du budget Primitif déposé en préfecture le 23 avril 2019

Durées amortissement standards Fig. 4 : Durées d’amortissements standards, source: Gestion patrimoniale des réseaux d’eau potable, (page 35)

Odyssi a fixé l’amortissement des canalisations à 40 ans (Figure 3), soit la limite haute des limites indicatives (Figure 4) qui définissent un cadre général, ce qui est incohérent avec les contraintes locales, réelles, utilisées pour justifier l’état du réseau actuel. On peut également constater que ces durées d’amortissement ont été fixées en 2005 et n’ont jamais mises à jour (au moins jusqu’en 2019).

3. Une connaissance du réseau objectivement mauvaise

Deuxièmement, c’est en connaissant parfaitement son réseau et son territoire, avec ses faiblesses et ses risques, qu’il est possible d’anticiper au mieux les risques, d’améliorer sa performance et de planifier les évolutions à long terme.

Et comme de l’eau de Mai1, il existe justement un indicateur technique (P103.2B) qui décrit la connaissance d’un opérateur sur son réseau. Cet indicateur a un seuil minimal de 40, en dessous duquel on considère que le service ne dispose pas d’un descriptif détaillé des ouvrages de distribution d’eau potable. Sans descriptif détaillé, il est évident qu’une optimisation des réseaux ne peut avoir lieu de façon cohérente.

C’est d’ailleurs l’expression même d’Yvon Pacquit dans une interview TV :

Nous avons des équipes qui sont chargées de la recherche de fuite, nous le faisons sur l’ensemble du terrain. Mais nous avons considéré, heu, ça coûte beaucoup plus cher de faire une maintenance chaque jour plutôt que de remplacer des sections, c’est pour cette raison que Serge Letchimy avait eu raison d’obtenir ce plan global de modernisation de l’ensemble des réseaux de la Martinique […] chiffré à 230 millions. C’est ça sinon vous courrez après tous les jours, à colmater des brèches, etc … .”

La figure 5 présente l’indice de connaissance du réseau d’Odyssi, et comme pour le rendement, on voit ne voit pas une progression suffisamment régulière pour dépasser le seuil minimal réglementaire et disposer d’une description suffisamment précise du réseau pour pouvoir envisager des améliorations stratégiques.

Indice connaissance réseau Odyssi Fig. 5: Indice connaissance réseau Odyssi depuis 2006.

La relation entre connaissance du réseau et taux de perte est compliquée à quantifier globalement. Néanmoins en traçant la distribution de ces indicateurs au cours du temps, voir la Figure 6, on se rend compte que cette distribution a tendance à se déplacer vers la droite (augmentation de l’indicateur connaissance) et vers le haut (augmentation indicateur rendement).

Distribution indice de connaissance réseau et de rendement dans le temps Fig. 6: Distribution des indices de connaissance réseau et de rendement dans le temps.

On note également l’impact très net de l’introduction du seuil réglementaire minimal de connaissance réseau fixé à 40, qui semble séparer les réseaux en deux.

Enfin, une connaissance faible du réseau est liée à une incertitude dans l’estimation pour une partie des indicateurs ; plusieurs rapports d’activité d’Odyssi l’indiquent explicitement. Ainsi, dans le RPQS 2017, en page 13, on peut lire :

Les calculs des volumes importés et de tous les indicateurs qui en découlent notamment les rendements se font sur la base des volumes issus des compteurs de sectorisation pour les communes du Lamentin et de Saint-Joseph. Ils ne sont donc pas fiables. Aussi, des compteurs de livraison ont été posés par le SICSM en 2017 cependant, une étude menée par un cabinet externe démontre qu’il manque des compteurs pour connaître les volumes livrés en gros.

Cette fiabilisation des indicateurs est d’ailleurs une première étape nécessaire, comme l’illustre la Figure 7, pour permettre de tirer pleinement d’un plan d’action construit sur des données précises.

Arbre décision analyse situation Fig. 7 : étape 1 de l’arbre de décision pour l’analyse de la situation. Guide pour l’élaboration du plan d’action visant à la réduction des pertes d’eau (page 15)

4. Mauvaise utilisation des incitations fiscales

En 2012, un décret fixe un seuil minimal de 85% de rendement et définit dans l’article L213-14-1 un mécanisme d’incitation à l’amélioration de la performance des réseaux en doublant le taux de redevance pour prélèvement lorsque la connaissance réseau et le rendement sont en dessous des seuils minimaux. La figure 8 décrit les conditions dans lesquelles s’applique ce doublement.

Arbre décision analyse situation Fig. 8 : conditions du doublement du taux de la redevance (source : eau seine Normandie)

Le réseau Odyssi ne répond pas à la première condition, celle de la connaissance minimale de son réseau. Le taux de redevance devrait donc être doublé. Or, l’analyse des rapports d’activité ne permet pas d’identifier ce doublement. Prenant contact avec l’ODE, L. M., directeur adjoint en charge de la connaissance et des interventions, indique :

Concernant le doublement de la redevance, celui-ci n’a pas été appliqué car les collectivités ont transmis les plans d’action pour la réduction des pertes dans les réseaux.

L’interprétation de l’ODE est fausse. Si tant est qu’un plan d’action a été fourni, il ne permet pas de valider la condition préalable concernant la connaissance des réseaux.

Ainsi, en décidant de ne pas doubler ce taux, l’ODE n’utilise pas pleinement sa capacité d’incitation à l’amélioration des réseaux.

5. Taxation indue de l’octroi de mer régional

Relevé par @le_merou, l’assiette de l’octroi de mer régional (taux de 1.5% en Martinique contre 1% en Guadeloupe) se base à la fois sur la facturation de l’eau produite, ce qui est attendu, mais également sur l’abonnement et les redevances préservation et pollution, reversé à l’ODE en Martinique.

Concernant l’abonnement, dans un rapport de 2020 sur la gestion de l’octroi de mer, la Chambre régionale des comptes de Guadeloupe relève, page 50 :

En outre, plusieurs opérateurs prélèvent en sus l’octroi de mer sur la partie abonnement de la facture qui, étant un service, n’y est pas soumis (Eau d’Excellence, la régie Nord-Caraïbes -RéNoC-, Karuker’Ô, Eaux Nodis et le SIAEAG) et doivent rembourser ce trop-perçu prélevé indûment sur leurs abonnés.

La Martinique ne fait pas exception. En 2019, l’ensemble des opérateurs ont prélevé l’octroi de mer sur la partie abonnement. Chaque année, c’est donc un transfert indue de plus de 150k€ théorique2 des usagers vers les collectivités.

Territoire Montant Abonnement (€) OMR sur l’abonnement (€) Nombre d’abonnés Total OMR/an
Nord Atlantique 64.46 0.97 24591 23853
Nord Caraïbes 70.98 1.06 9893 10486
Morne Rouge 101.61 1.52 2419 3676
Cacem 68.6 1.03 73783 75996
Espace Sud 45.93 0.69 74062 51102
Total       165113

Tableau 1 : montant de l’abonnement et montant de l’octroi de mer régional (taux de 1.5%) indûment prélevé

Si le montant est dérisoire face au budget de la CTM, il montre néanmoins la mauvaise compréhension fiscale d’une taxe spécifique locale que l’ensemble des acteurs politiques locaux ont pourtant souhaité maintenir. Car à la multitude de taux et d’exonérations diverses, s’ajoute également la difficulté à définir l’assiette dans des produits composés : puisque si la vente de produit est taxable, les services ne le sont pas.

Ajoutons de la complexité en considérant la redevance ODE vue précédemment. Actuellement (en 2019), cette redevance fait partie de l’assiette de l’octroi de mer sur l’ensemble des territoires. Or doit-elle réellement l’être ? Avant d’être intégrée à Odyssi, la ville de Schoelcher utilisait la SMDS, sans production locale3. En sus du prix d’achat de l’eau, qui devait incorporer l’octroi de mer régional, les redevances de l’ODE étaient également présentes, sans être soumises à l’OMR. Est-ce que ces redevances doivent réellement être prises en compte dans l’assiette de l’OMR ? C’est une question qui pourrait intéresser la Chambre régionale des comptes.

6. Des acteurs présents à la signature

La compétence “eau” est partagée entre plusieurs acteurs de différentes natures qui gèrent, indépendamment et chacun à son échelle, leur pré-carré. Parfois, ces différents acteurs sont associés et lorsque c’est le cas, si les discussions semblent trouver un consensus sur le fond (technique et stratégique), elles se fracassent sur une réalité politique et opérationnelle : chacun veut en tirer profit en s’y impliquant un minimum.

Odyssi a signé un contrat de progrès, le 11 avril 2018, pour une durée de 5 ans. Des contrats de progrès similaires ont été signés en 2019 avec l’Espace Sud Martinique et en 2020 pour le Pays Nord Martinique.

La liste des signataires de ce contrat de progrès est décrite dans le Tableau 2.

Structure Signataire Fonctions/mandats en 2018 Comité de suivi
CACEM Athanase JEANNE-ROSE Président de la CACEM  
ODYSSI Yvon Pacquit Président CA Odyssi, VP CACEM régie
Etat Frank Robine Préfet de la Martinique oui
CTM Alfred Marie-Jeanne Président Conseil Exécutif CTM oui
AFB4 Christophe Aubel Directeur général oui
CEB Marie-France Toul Présidente CEB, vice-présidente CTM non
ODE Claude Lise Président CA ODE, Président Assemblée CTM oui
AFD Ludovic Cocogne Directeur d’agence oui
Caisse des Dépôts Hubert Roche Directeur territorial oui
ADEME Jean-François Mauro Directeur regional oui
ARS Patrick Houssel Directeur général oui
Odyssi Judes Christine Directeur général Odyssi régie

Tableau 2 : liste des signataires du contrat de progrès de la CACEM et d’Odyssi

Trois blocs sont présents : la Cacem, la CTM (avec une majorité différente de la Cacem jusqu’aux élections de juin 2021) et l’État.

7. Des indicateurs en dehors des objectifs du contrat

Ce contrat de progrès définit plusieurs critères objectifs permettant de mesurer l’augmentation progressive de la qualité du réseau.

La figure 9 présente l’évolution attendue des indicateurs de rendement et de connaissance des réseaux et les compare avec le niveau réel constaté et rendu public dans les différents rapports d’activité. Les objectifs ne sont clairement pas atteints et ne présentent aucune tendance qui puisse laisser penser qu’ils le seront avant la fin du contrat prévue, l’année prochaine, en 2023.

comparaison indicateurs prévus vs réalité Figure 9 : comparaison des objectifs définis dans le contrat de progrès et constatés sur le rendement (en bleu) et sur la connaissance du réseau (en orange)

Le contrat de progrès définit une méthodologie très précise de suivi, décrite dans le chapitre 5 du contrat de progrès (pages 27 et 28). Un comité de suivi, composé des signataires à l’exception du Comité de l’Eau et de la Biodiversité et complété par la DEAL, se réunit deux fois par an pour évaluer les résultats obtenus par rapport aux engagements pris. Ce comité travaille en s’appuyant sur des rapports de résultats, produits par Odyssi, puis rédige lui-même un rapport de suivi.

Méthodologie suivi du contrat de progrès Figure 10 : méthodologie très précise du suivi du contrat de progrès

Puisque les objectifs ne sont pas (du tout) remplis, il convient d’observer comment ce comité de suivi a constaté la non réalisation des objectifs et quelles ont été les recommandations pour permettre de revenir au niveau de qualité prévu.

8. Un comité de suivi défaillant et la mauvaise foi de la CACEM sous fond d’accès aux données

Souhaitant obtenir les documents liés à ce suivi, une demande d’accès à la Cacem a été envoyée en mai 2021. Sans réponse, cette demande a été transmise à la Cada, la commission chargée de veiller à la liberté d’accès aux documents administratifs qui l’a validé. Toujours sans nouvelle de la Cacem, une requête a été ouverte devant le tribunal administratif de Martinique.

Enfin, mi-janvier 2022, une réponse de la Cacem a été transmise au Tribunal Administratif, fournissant un ensemble de documents mais aucun concernant ceux liés au comité de suivi du contrat de progrès, en invoquant des arguments farfelus et en tous les cas contraires au droit. La clôture d’instruction de ce dossier s’est terminée le 05/04/2022 et est désormais en attente de traitement.

Un des arguments utilisés par la Cacem pour refuser l’accès aux documents est que ces documents auraient été produits par la DEAL. Si l’argument n’est pas recevable, l’origine du document n’ayant aucune incidence sur sa communicabilité, la DEAL a été contacté directement. Après plusieurs relances, la réponse suivante a été obtenue de C. G., adjoint au chef du SPEB et responsable du pôle Eaux et milieux aquatiques :

A la suite de la signature du contrat de progrès de la CACEM-Odyssi en 2018, le suivi du contrat de progrès n’a pas été effectué, jusqu’à ce jour, selon les modalités décrites dans le document.
Ainsi, même si un suivi régulier des actions a été effectué, aucun rapport de présentation des résultats ou rapport de suivi n’a été formellement produit et ils ne peuvent donc vous être communiqués.

Pas de rapports de présentation des résultats ? Pas de rapport de suivi ? Rien de formel ? Alors même que tous les indicateurs sont défaillants. Alors même que la sécheresse de 2020 a montré les limites du réseau actuel. Alors même que ce contrat est à la fois un engagement vis-à-vis de l’État qui est censé pouvoir débloquer des lignes de crédit sur la base du respect de ces engagements. Alors même que ce contrat était brandi à la population pour montrer l’engagement de tous les intervenants politiques.

Rien donc. Un désert d’action entourant une oasis imaginaire de bonnes résolutions.

9. Des bases juridiques maitrisées ?

Que vaut donc un contrat signé ? Probablement pas grand choses pour des acteurs habitués à ne pas respecter les contrats et symétriquement, à ne pas faire respecter les contrats signés avec d’autres. Là encore, l’interview d’Yvon Paquit est saisissante : (il est ici question de l’action en justice entamée par les habitants privés d’eau pendant presque 1 mois)

La seule structure qui soit condamnée en justice c’est Odyssi. Et qu’est-ce que nous devrions faire, parallélisme des formes. Puisqu’on nous dit, vous avez un contrat, respectez-le, et bien nous allons demander à la SME de respecter son contrat et on verra ce que dira le juge.

Cette menace de saisir la justice, brandie mais non mise en œuvre alors que c’est justement le moyen le plus sûr d’obtenir un résultat lorsque la partie adverse est de mauvaise foi laisse pantois. D’autant plus lorsque l’équipe est présentée comme “expérimentée”.

En 2003, la CACEM a choisi le passage à une régie publique de l’eau. C’est un geste politique fort, qui fait sens, notamment si l’on considère que l’eau est un bien commun. Néanmoins, alors qu’Odyssi aurait pu servir d’exemple pour inciter les autres collectivités à faire évoluer leur mode de gestion, on peut craindre que les multiples problèmes d’Odyssi servent au contraire de repoussoir.

Conclusion

La première conclusion est que les acteurs, par flemme, par manque de temps (coucou le cumul des mandats) ou pour ne pas se griller, ne veulent pas réellement traiter le problème. Traiter le problème de l’eau nécessiterait d’avoir une personne dédiée à ce seul problème, qui aurait les moyens d’enquêter et de déclencher des actions en cas de non réalisation des objectifs.

La deuxième conclusion est qu’il y a de la matière dans les rapports. Et pourtant, parce que les collectivités n’entretiennent pas de canaux de communication “ouvert” avec la société civile, ces rapports sont finalement très peu utilisés (utiles). Alors qu’on parle de décolonisation, probablement à juste titre, comment est-ce que les administrations se comportent avec les citoyens ?

Parallélisme des formes ?

  1. como agua de Mayo : tomber à pic 

  2. Théorique car le nombre d’impayés est élevé 

  3. Le forage Emma Absalon existait mais n’avait pas reçu l’autorisation de mise en service de la préfecture 

  4. devenu OFB en 2019